Résultats d’essais

Biométhane - Quel est le potentiel méthanogène des couverts végétaux ?

Chez les agriculteurs-méthaniseurs, la production de biométhane à partir de Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE) pose de nombreuses questions : y a-t-il des différences de potentiel méthanogène entre espèces ? Est-ce le seul paramètre à prendre en compte ? Retour sur les acquis de la première année du projet RECITAL.

Le potentiel méthanogène des cultures est-il un critère de choix ?

Qu’est-ce que le potentiel méthanogène ?

Le potentiel, ou pouvoir, méthanogène représente la quantité maximale de méthane pouvant être produite par un intrant. Il est exprimé en normomètre cube (Nm3) de méthane par tonne de matière « fraîche » (MF), de matière sèche (MS) ou de matière volatile (MV, équivalent de la fraction organique de la matière). Les intrants peuvent être des effluents d’élevage, des déchets agroalimentaires, des déchets de collectivités (boues de STEP par exemple) ou encore des cultures.

Le pouvoir méthanogène d’une substance est déterminé en laboratoire par le test BMP (Biochemical Methane Potential). Il consiste à mélanger un échantillon à un inoculum (flore microbienne) et à l’incuber en condition anaérobie mésophile (35-40°C) ou thermophile (55-60°C) pour reproduire les conditions d'un méthaniseur. Le gaz émis par l’échantillon sera analysé durant 60 jours en moyenne jusqu’à déterminer le potentiel maximal.


Le test BMP permet de mesurer le potentiel méthanogène de différents intrants.

Des potentiels méthanogènes similaires entre espèces et entre variétés

Pour les biomasses d’origine végétale (paille, cultures dédiées, CIVE…), ce potentiel varie de 230 à 361 Nm3 CH4/t MV (il y a de 95 à 97 % de MV dans une tonne de MS de ce type d’intrant).

Pour les effluents d’élevage, il varie de 203 à 526 Nm3 CH4/t MV (selon des simulations réalisées à partir de l’outil MethaSim), avec des fractions de matière organique plus faibles (5 à 20 % de MV pour 1 t MF) et des humidités beaucoup plus élevées.

Les analyses menées durant plusieurs campagnes, majoritairement en laboratoire, sur plusieurs espèces, cultivées en tant que CIVE ou en cultures principales (maïs), montrent un large panel de variation de 200 à 310 Nm3/t MS. Ce potentiel est de 298 Nm3/t MS en moyenne pour les échantillons de maïs issus d’essais variétés et de 258 Nm3/t MS pour toutes les autres espèces issues d’expérimentations et de grandes parcelles (avec un effectif plus faible). Cependant la plage de variabilité se recoupe pour certaines espèces (figure 1).

Ainsi, l’analyse de ces données ne permet pas de mettre en évidence les facteurs de variabilité. Pour discriminer ces espèces, ce sont plus d’une centaine d’analyses pour une même espèce qui seraient nécessaires.

Figure 1 : Potentiel méthanogène (en Nm3 CH4/t MS) de plusieurs espèces cultivées en CIVE

Source : compilation de données des projets RECITAL, OPTICIVE et CIBIOM

Des analyses complémentaires ont été menées sur diverses variétés de maïs (avec le concours de la FNPSMS). Les analyses statistiques au sein d’un même lieu ne font pas ressortir de différence significative entre variétés, ni sur le regroupement des essais. Néanmoins, le nombre de valeurs reste faible pour mettre en évidence de potentielles différences.

Pas d’effet « amidon » sur le pouvoir méthanogène

Pour aller encore plus loin, des analyses ont été effectuées à différents stades de développement du blé (épiaison, grain laiteux et maturité physiologique) (figure 2), ou encore à différents stades des CIVE (2 nœuds, dernière feuille étalée, épiaison). Le potentiel a tendance à diminuer avec le développement des plantes.

Figure 2 : Potentiel méthanogène du blé (en Nm3 CH4/t MS) selon son stade de récolte

D1 : Epiaison, D2 : Grain laiteux, D3 : Maturité physiologique

Ne pas confondre rendement méthanogène et pouvoir méthanogène

La lignification explique en partie la réduction du pouvoir méthanogène malgré une production d’amidon ou sucre digestibles supérieure. Mais dans le cas des CIVE, la production supplémentaire de biomasse lors d’une récolte légèrement plus tardive (première quinzaine de mai) compense largement cette perte. Le rendement méthanogène de la parcelle est alors augmenté (figure 3). C’est donc l’indicateur essentiel à retenir. Le rendement méthanogène traduit une quantité de méthane produite par hectare alors que le potentiel méthanogène correspond à la quantité de ce gaz produit par tonne.

Figure 3 : Evolution du potentiel méthanogène (en NmCH4/t MS) et du rendement méthanogène (en Nm3 CH4/ha), entre fin mars et fin avril, pour des avoines et un triticale

Source : OPTICIVE, 2018

Le potentiel méthanogène des cultures décroît avec leur développement. Cependant, le rendement méthanogène, c’est-à-dire la quantité de méthane potentiellement produite par la biomasse totale de ces cultures sur un hectare, augmente.

Privilégier la conduite de culture pour un rendement méthanogène optimal

En conclusion, le manque de caractérisation du potentiel méthanogène d’une espèce ou d’une variété ne permet pas d’en faire un critère de choix aujourd’hui. L’essentiel est d’optimiser la conduite de la CIVE dans sa rotation afin d’obtenir une production de biomasse maximale, en veillant à ne pas trop impacter la culture alimentaire suivante.

Bien que les analyses ne permettent pas de discriminer les espèces aujourd’hui, de nombreux agriculteurs observent des différences. Le constat de cette hétérogénéité de comportement entre espèces sur le terrain doit encore être étudié et expliqué. Les cinétiques de dégradation sont à l’étude. Des fractions de la biomasse se dégradent en effet plus ou moins rapidement. Par ailleurs, de nouvelles méthodes d’analyse sont en cours de développement.

Malgré ces faibles différences de pouvoir méthanogène entre biomasses végétales, l’analyse des substrats d’un projet de méthanisation reste une étape préalable indispensable pour bien dimensionner et piloter son unité. Il en va de même pour les effluents pour lesquels les durées et modes de stockage auront un impact sur ces potentiels.

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