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Ravageurs d'automne - Surveiller la présence de pucerons pour intervenir en végétation

Différentes espèces de pucerons (Rhopalosiphum padi, Sitobion avenae, Rhopalosiphum maidisSchizaphis graminum, Metopolophium dirhodum…) sont capables de transmettre des virus de la jaunisse nanisante de l'orge (JNO). Aucune lutte ne peut être engagée contre ces virus quand la plante est infectée. La lutte repose donc sur des techniques culturales préventives et sur la lutte insecticide en végétation, à positionner au(x) bon(s) moment(s).

Pucerons : vigilance dans les parcelles !

Des pratiques culturales permettent de réduire le risque de viroses

La lutte préventive s’appuie notamment sur la destruction, avant les semis, des repousses et des graminées sauvages. La présence de ces plantes, réservoirs à virus et hébergeant des pucerons à proximité des futures parcelles de céréales à paille, vient accroître le risque d’infestation et d’infection virale.

Semer sans se presser !

Ensuite, il est recommandé d’éviter un semis précoce : l’exposition au risque JNO est plus élevée suite à une concomitance accrue entre la période de forte sensibilité de la céréale et les activités de vol et de colonisation des pucerons. A l’opposé, les semis plus tardifs rencontrent en règle générale des conditions climatiques moins favorables à ces insectes et par conséquent à la transmission de virus aux plantes (figure 1). Cependant, si retarder la date de semis réduit, dans une certaine proportion, la fréquence de parcelles concernées, cela ne permet en aucun cas d’éliminer le risque chaque année ! Pour rappel à l’automne 2015, après un mois d’octobre plutôt froid, peu favorable à l’activité de vol, les conditions climatiques de novembre et décembre ont permis une présence prolongée des insectes et la transmission de virus. De fréquentes nuisibilités ont ensuite été observées au printemps, comme l'a montré l'enquête 2016. Il convient donc de ne pas anticiper les périodes de semis préconisées dans chaque région par ARVALIS et de surveiller les cultures à l’automne.

Figure 1 : Intensité de détection de virus de la jaunisse nanisante de l’orge (BYDV) selon la date de semis

Source : données parcellaires historiques acquises dans le cadre d’une collaboration ARVALIS – Bayer – Inra

Le choix de la variété peut changer la donne

La lutte génétique se développe sur escourgeons, à l’aide de variétés tolérantes à la JNO. L’offre variétale continue à s'enrichir avec deux nouvelles inscriptions au catalogue français, Coccinel et KWS Jaguar, en complément des variétés Amistar, Domino, Margaux, Hexagon et KWS Borrelly. D’autres variétés d'orges sont inscrites au catalogue européen avec le caractère de tolérance à la JNO (Rafaela, Hirondella).

Ces variétés tolérantes subissent les mêmes infestations de pucerons que les variétés sensibles, mais l’infection virale s’exprime beaucoup moins. Le recours à ces variétés est un levier très précieux. En situation de forte exposition aux pucerons, la perte de rendement, sans être nulle, est nettement plus faible que celle observée avec des variétés sensibles (figure 2). Face à une pression moyenne de pucerons, le gain obtenu avec la lutte insecticide est alors très faible, voire nul. Comme il ne s’agit pas d’une résistance totale, il est recommandé de ne pas semer trop tôt ces variétés, d’autant plus qu’elles n’offrent aucune protection contre la maladie des pieds chétifs.

Figure 2 : Comparaison de rendements et de gains acquis avec la lutte insecticide selon différentes pressions de JNO, entre une variété d’escourgeon sensible et une variété tolérante (regroupement 15 essais, campagnes 2014-2018)

Sur blé, aucune variété tolérante ou résistante à la JNO ou à la maladie des pieds chétifs n’est actuellement disponible.

Surveiller les pucerons dès la levée des céréales

La protection des céréales contre la JNO vise les pucerons vecteurs de virus. Les traitements insecticides en végétation agissent par contact et s'appliquent en présence des insectes sur les plantes. Ils sont au besoin à renouveler face à de nouvelles infestations. La surveillance des céréales à paille à l’automne est alors indispensable pour décider d’une intervention.

Comment réaliser les observations ?

  • Observer - dès la levée - des séries de 10 plantes réparties sur plusieurs lignes de semis (≥ 5) et compter les plantes abritant un ou plusieurs pucerons (quelle que soit l’espèce) pour déterminer le pourcentage de plantes habitées.
  • Privilégier les zones à risque (proche de haies ou de réservoirs potentiels tels que des bandes enherbées, jachères, maïs…).
  • Réaliser les observations par beau temps, durant les heures les plus chaudes du début d’après-midi. A ce moment-là, les pucerons sont montés sur les feuilles et plus faciles à observer. Le matin, ils se cachent au pied du feuillage. Si les conditions sont pluvieuses, venteuses, avec une forte couverture nuageuse, à une heure trop précoce ou trop tardive dans la journée, les observations sont nettement plus difficiles à réaliser. En conditions d’observations non optimales, l’absence de puceron ne permet pas de conclure sur l’absence de risque. Il est alors préférable de renouveler l’observation lorsque les conditions sont à nouveau favorables.

Cette observation est relativement facile à réaliser entre la levée et le stade 3 feuilles des céréales. Passé ce stade, le dénombrement des plantes habitées devient laborieux. Les pucerons peuvent alors se réfugier à la base des plantes, ce qui rend leur détection nettement plus aléatoire (cf. photographie).

Si les conditions météorologiques continuent d’être douces et ensoleillées, il est recommandé de poursuivre la surveillance, même après un traitement insecticide, pour le renouveler si nécessaire.

Température et pucerons : quelques repères clés

  • L’activité de vol des adultes ailés ne démarre qu’à partir de 10-12°C.
  • La parthénogenèse (multiplication par clonage) est favorisée par des températures comprises entre 10 et 25°C : la production de descendance croît alors avec la température.
  • Des températures entre 0 et 5°C limitent fortement l’activité des pucerons mais ne les tuent pas pour autant : des températures clémentes pourront relancer leur activité.
  • les températures létales varient selon les espèces. Au champ, la culture en place apporte une protection thermique, quelques jours à très faible température (-10°C) peuvent alors être nécessaires pour les tuer.

Le piégeage des pucerons ailés : un outil d’alerte pour aller surveiller directement les plantes dans les parcelles

Des pièges chromatiques (plaques jaunes engluées ou cuvettes jaunes) peuvent être mis en place dans la parcelle (sur le sol, à plus de 20 mètres de la bordure, et avec une inclinaison pour les plaques). Relevés régulièrement, ce sont des outils d’alerte pour la surveillance sur plantes. Ils donnent une indication sur l’atterrissage des pucerons ailés dans la petite zone de la parcelle où le piège est positionné. Ils ne permettent pas de quantifier les individus à risque pour les céréales, ni de présager directement de l’infestation de la parcelle, mais ils témoignent de conditions favorables à une activité de vol et donc une possibilités de colonisation des parcelles. La capture de pucerons via ces outils doit inciter - encore plus - à réaliser des observations directement sur les plantes dans la parcelle afin de vérifier et quantifier leur abondance. De plus, la colonisation d’une parcelle pouvant se faire par différents endroits, une faible abondance de pucerons dans les pièges chromatiques ne garantit pas l’absence de tout risque sur toute la parcelle. C’est pourquoi l’observation sur plantes ne doit pas être négligée.

Intervenir en végétation au(x) bon(s) moment(s)

La date de traitement ne doit pas être définie en fonction du stade de développement de la culture ou d’une date calendaire. Seules les observations réalisées dans la culture, et la détection des infestations, permettent de déclencher le traitement au bon moment, que ce soit pour la première intervention ou pour son éventuel renouvellement. Ceci est lié aux caractéristiques des produits actuellement disponibles, qui agissent par contact. La lutte sera efficace vis-à-vis des ravageurs présents au moment du traitement, et seules les feuilles déjà développées seront protégées. Si la végétation a une vitesse de croissance rapide et que les colonisations se poursuivent après le traitement (observation de pucerons ailés sur les jeunes feuilles), celui-ci présentera une efficacité pouvant être jugée insuffisante à cause d’individus arrivés après le traitement. Dans cette situation, l’application insecticide devra être renouvelée.

En théorie, le risque de jaunisse varie selon les pucerons et leur pouvoir virulifère. Mais en pratique, il est impossible de disposer rapidement de cette dernière information. Par conséquent, la décision de traiter se fera uniquement en tenant compte de la présence des pucerons sur plantules avec les recommandations indicatives suivantes :

  • intervenir si la fréquence de plantes habitées par au moins un puceron est supérieure à 10 %,

ou

  • intervenir si des pucerons sont observés plus de 10 jours, quelle que soit la fréquence de plantes habitées, afin d’endiguer la colonisation de la parcelle.

Ces recommandations sont établies sur la base de suivis d’infestation réalisés avant tallage. Mais la période à risque peut dépasser le stade tallage. Dans les situations pouvant rester longtemps favorables à la présence des pucerons, la surveillance doit donc être poursuivie pour renouveler la lutte si besoin. Des conditions très froides prévues à brève échéance peuvent avantageusement se substituer à une intervention (ou ré-intervention) insecticide, mais à condition que les prévisions soient justes !


La surveillance des infestations de pucerons sur plantes est à prolonger tant que les conditions climatiques restent favorables à leur activité. Photographie ARVALIS - Institut du végétal, Laure Plantecoste (11/12/14, Saint Pierre d'Amilly - 17700)

Quel insecticide choisir ?

Les différents produits homologués à ce jour pour lutter contre les pucerons vecteurs de virus sur les céréales à paille comportent tous une substance active appartenant à la famille des pyréthrinoïdes (tableau 1).

Quelques différences d’efficacité sont constatées entre les produits et substances actives de cette famille en situation de fortes infestations de pucerons dans nos conditions expérimentales. Les produits à base de lambda-cyhalothrine (référence : Karaté Zéon) présentent la meilleure efficacité et la meilleure régularité. Cependant, dans des conditions optimales d’application et face à des infestations moins soutenues, la différence d’efficacité avec d'autres spécialités à base d’autres substances actives (tau-fluvalinate, esfenvalerate, cyperméthrine, gamma-cyhalothrine, zeta-cypermethrine…), appliquées à leur dose maximale autorisée, reste le plus souvent assez faible.

Deux spécialités comportent une substance active n’appartenant pas à la famille des pyréthrinoïdes :
- Karaté K, associant lambda-cyhalothrine et pyrimicarbe, 
- Daskor 440, associant cyperméthrine et chlorpyriphos-ethyl.
Leurs efficacités, à la dose d’homologation, sont comparables à celles de la référence Karaté Zéon mais pour un coût significativement plus élevé.

Si l’application de l’insecticide vise également les cicadelles, la solution choisie doit être autorisée pour cet usage. Il est également nécessaire de veiller aux contraintes spécifiques accompagnant chaque spécialité, que ce soit le nombre maximal d’applications autorisées (de 1 à 3), le délai nécessaire entre 2 applications (pouvant aller jusqu’à 21 jours) ou encore la ZNT (de 5 à 50 m). Enfin, dans le cas où les pucerons sont présents quand la culture nécessite un traitement herbicide, il conviendra alors de s’assurer que le mélange est autorisé car les spécialités présentent des contraintes spécifiques.

Tableau 1 : Spécialités insecticides permettant de lutter contre les vecteurs de virusTableau 1 : Principales spécialités insecticides en végétation pour lutter contre les pucerons et les cicadelles dans les céréales à paille

D’après dépliant ARVALIS - Institut du végétal - Mai 2023.

Attention au risque de résistance

Ce risque ne doit pas être négligé : la sélection des mécanismes de résistance peut être très rapide chez les pucerons en raison de leur énorme potentiel démographique. Une population de Sitobion avenae présentant une résistance à des substances actives de la famille des pyréthrinoïdes a été mise en évidence au Royaume-Uni, en Irlande ainsi qu’en Allemagne. Cette population résistante n’a pas encore été identifiée en France. De même, aucun cas de résistance n’a été mis en évidence en France, ni ailleurs en Europe, chez d’autres populations de pucerons des céréales (R. padi notamment) ou de cicadelles P. alienus. Cependant, par mesure de précaution, et à défaut de pouvoir diversifier les familles chimiques, il est recommandé de diversifier autant que possible les spécialités :

  1. en recourant à des produits associant deux familles chimiques,
  2. en diversifiant les produits de la famille des pyréthrinoïdes en fonction de la classe à laquelle la substance appartient. L’esfenvalérate appartient à la classe des Benzyl-carboxylates, le tau-fluvalinate appartient à la classe des Valinates alors que les autres pyréthrinoïdes appartiennent tous à la même classe des Cyclopropane carboxylates.

Même si les chances d’éviter l’apparition d’une résistance sont faibles, cette précaution d’usage à mettre en œuvre en mosaïque à l’échelle d’un bassin de production peut contribuer à retarder son éventuelle apparition.

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