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Orges de printemps semées à l’automne : adapter l'itinéraire technique pour limiter les risques

En cas de sécheresse printanière, les orges de printemps semées à l’automne constituent une alternative intéressant. Mais cette pratique n’est pas sans risque (risque de gel accru notamment) et ne doit pas être généralisée. L’analyse des risques encourus amènent plusieurs recommandations en termes de conduite de culture.

Semis de céréales d’automne en cours

Un semis en première quinzaine de novembre pour éviter les risques de gel de l’épi

Les orges de printemps semées à l’automne (OPSA) sont plus exposées aux différents risques de gel, qu’il intervienne pendant l’hiver ou au début du printemps.

Un risque de gel hivernal

Des températures en dessous de -10/-12°C durant l’hiver peuvent provoquer un gel partiel ou total des plantes.

Les 10 dernières années ont été marquées par des hiver plutôt doux avec un risque de gel des OPsa environ 2 années sur 10 en Champagne et 4 années sur 10 en Barrois (tableau 1). En intégrant les 20 dernières années, ce risque passe à 4-5 années sur 10 en Champagne et 6-7 années sur 10 en Barrois.

Le réchauffement climatique engendre des hivers de plus en plus doux mais également des extrêmes plus forts. Nous ne sommes donc pas à l’abri d’un coup de froid intense !

La date de semis influencera peu ce type de gel, les essais historiques montrent que parfois ce sont les semis de novembre qui sont touchés par le gel hivernal, parfois les semis d’octobre, et parfois les deux.

Tableau 1 : Analyse fréquentielle des températures inférieures à -10°C (à gauche) et -12°C (à droite) sur quelques stations météo de Champagne

Analyse fréquentielle des températures inférieures à -10°C (à gauche) et -12°C (à droite) sur quelques stations météo de Champagne

Un risque de gel de l’épi

Des températures en dessous de -4°C lors de la montaison peuvent provoquer un gel des jeunes épis dans les tiges. Ce type de gel est rarement généralisé à toutes les plantes dans une parcelle. Avec un cycle précocifié en comparaison des orges d’hiver, un semis d’orges de printemps début octobre présente le risque d’atteindre le stade épi 1 cm dans une période plus froide (février).

A titre d’illustration, deux essais ont été implantées début octobre 2019 en orge d’hiver et OPsa avec un suivi des stades. L’orge de printemps est en moyenne arrivée au stade épi 1 cm 20 jours avant l’orge d’hiver (mi-février dans l’Aube et début mars dans la Marne).

Un semis début novembre permet d’avoir des OPsa au stade épi 1 cm à des dates habituelles pour les orges d’hiver et donc de limiter le risque de gel de l’épi.

Une densité de semis à adapter

La densité de semis doit être suffisante pour pallier les conditions climatiques de l’hiver et optimiser la composante épis/m² : 300-350 grains/m² en bonnes terres et/ou bonnes conditions de préparation, jusque 380 grains/m² sur des argilo calcaires plus ou moins caillouteux et/ou mauvaises conditions de préparation.

Si les semis interviennent après le 10 novembre, basculer à 380 grains/m² dans les bonnes terres et 400 grains/m² dans les sols caillouteux.

Désherbage : choisir ses parcelles et les mélanges herbicides

Les OPsa ne seront pas indemnes de graminées adventices. Certes les semis de début novembre permettront de limiter la pression, mais il sera probablement nécessaire d’intervenir. Les produits racinaires d’automne autorisés sur les orges d’hiver le sont également sur OPsa. Dans le cadre du cahier des charges brassicole, il conviendra de se référer aux listes des produits autorisés définies par l’IFBM/Malteurs et brasseurs de France. Pour des questions de sélectivité, on évitera les mélanges avec trop de matières actives. Par ailleurs, l’application d’herbicide à l’automne semble augmenter le risque de destruction de la culture par un fort gel hivernal.

Les essais réalisés par ARVALIS sur cette thématique depuis 3 ans dans le Cher concluent à :
- Trinity 2 l et Trooper 2,5 l en prélevée se sont avérées sélectives et sans impact sur la culture.
- Défi 3 l + Compil 0,15 l en prélevée s’avère être en limite de sélectivité.
- Fosburi 0,6 l en postlevée et Battle Delta 0,6 l en prélevée sont également limites.
- Pour toutes les autres modalités étudiées, et notamment les mélanges complexes de matières actives, ils sont à proscrire, l’orge de printemps étant trop sensible.

A noter que les OPsa ne permettent pas de mettre en place l’alternance de culture d’automne/printemps, levier très efficace dans la lutte contre les graminées à moyen terme. Nous déconseillons donc d’implanter une orge de printemps à l’automne dans les parcelles à forte infestation, d’autant plus que les programmes utilisables ont un nombre de matière active limité.

Lutte contre les maladies et la verse : à ne pas négliger

Les OPsa sont nettement plus exposées aux risques maladies en sortie d’hiver qu’en semis de printemps (tableau 2).

Sur le plan agronomique, la différence de rendement entre les parcelles traitées et non traitées fongicides est de 5,6 q/ha pour KWS Faro ; Elle est comprise entre 10 et 20 q/ha (moyenne 15 q/ha) pour les OPsa. Les OPsa nécessitent donc une protection fongicide soutenue.

Tableau 2 : Nuisibilité des maladies (en écart de quintaux entre modalités traitées fongicides et non traitées) sur orges de printemps semées à l’automne – essai 2022 de Villers Herbisse (10)

Nuisibilité des maladies (en écart de quintaux entre modalités traitées fongicides et non traitées) sur orges de printemps semées à l’automne

Certes RGT Planet, Fandaga et Lauréate semblent moins sensibles aux maladies que la majorité des orges d’hiver semées début octobre, mais la vigilance sera de mise vis-à-vis d’attaques précoces de rhynchosporiose en sortie d’hiver, dès la mi-février. Il est possible dans ces cas de recourir à un traitement de semences (SYSTIVA - BASF) qui permettra soit d’alléger la protection contre les maladies (2 traitements à la place de 3 prévus par exemple) ou bien de mieux gérer les maladies au printemps en 2 traitements. Seul inconvénient, ce traitement de semences représente un investissement à l’automne sans garantie que l’orge ne gèle pas et ne permet pas une intervention foliaire avec une SDHI (pour respecter l’alternance des modes d’action).

A noter : les notes de tolérances aux maladies indiquées dans les catalogues sont des notes réalisées sur orge de printemps en semis de printemps. L’exposition accrue aux maladies en semis d’automne dégrade les notes « officielles ». Choisir une variété a priori peu sensible aux maladies n’enlève pas la nécessité d’observer ses parcelles dès la sortie d’hiver.

Enfin, comme sur les orges d’hiver, l’application d’un régulateur de croissance peut être conseillée dans les milieux favorables aux bons potentiels.

Bioagresseurs : rester vigilant

Les OPsa sont sensibles aux deux pathotypes du virus de la mosaïque jaune. Il faudra donc éviter les parcelles où ces deux virus sont présents. Cela peut être délicat concernant Y1 car les OH y sont presque toutes résistantes : l’indicateur « je n’en ai pas vu depuis 10 ans en orge d’hiver » n’est pas le bon).

Par ailleurs, bien que le semis soit tardif, rien n’empêche de voir le développement de pucerons dans un contexte d’hiver doux.

Fertilisation azotée : à conduire comme une orge d’hiver

La fertilisation azotée sera gérée comme celle d’une orge d’hiver : méthode du bilan azoté, fractionnement en deux apports à partir de la sortie d’hiver puis mise en œuvre de la méthode HNT Max pour piloter un éventuel apport supplémentaire afin de ne pas « louper » l’année favorable à la production, tout en maintenant une teneur en protéines compatible avec le débouché brassicole.

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