Résultats d’essais

Quelles performances attendre des apports de nutriments par voie foliaire sur céréales à paille ?

Avec le prix élevé des engrais minéraux, de nombreuses offres d’engrais liquides à utiliser en pulvérisation foliaire sont proposées aux agriculteurs en remplacement d’engrais classiques appliqués sur le sol. ARVALIS fait le point sur l’intérêt de ces produits.

Les apports de nutriments par voie foliaire sur céréales à paille ont-ils un intérêt ?

Une grande diversité d’engrais proposés en application foliaire

De nombreuses formules commerciales d’engrais foliaires sont disponibles sur céréales à pailles. Il s’agit principalement de spécialités à base d’azote à appliquer plutôt en fin de cycle (tableau 1). L’azote s’y présente le plus souvent sous forme d’urée, mais également sous forme de nitrate, d’ammonium, d’amide ou d’urée polymérisée. Il peut parfois être accompagné d’autres éléments.

Tableau 1 : Composition des engrais azotés foliaires à base d’azote testés dans les essais ARVALIS en application de fin de cycle
Composition des engrais azotés foliaires à base d’azote testés dans les essais ARVALIS en application de fin de cycle

D’autres spécialités, à base de phosphore ou de potassium et pouvant être complétées d’oligo-éléments en quantités variables, existent. Elles s’appliquent généralement dès la sortie d’hiver ou courant montaison (tableau 2).

Tableau 2 : Composition de quelques engrais foliaires à base de phosphore à appliquer en sortie d’hiver ou courant montaison
Composition de quelques engrais foliaires à base de phosphore à appliquer en sortie d’hiver ou courant montaison

Des quantités de nutriments à l’hectare faibles à très faibles

La première question à se poser est celle de la quantité d’éléments nutritifs apportée par hectare.

Parmi les produits présentés plus haut, certains sont préconisés à des doses comprises entre 4 et 5 litres par hectare. Dans ce cas, les quantités d’éléments majeurs apportées sont très faibles : de l’ordre de 0,2 à 1,5 kg/ha pour l’azote, entre 1 et 2 kg/ha pour le phosphore (P2O5), de 0,3 à 1,3 kg/ha pour le potassium (K2O), jusqu’à 1,7 kg/ha pour le soufre (SO3) et moins de 0,5 kg/ha pour la magnésie (MgO). Ceci est négligeable au regard des besoins des cultures pouvant aller de quelques dizaines à plusieurs centaines de kilos par hectare. Ces quantités sont également très inférieures aux doses habituellement apportées par les engrais classiques appliqués sur le sol.

En ce qui concerne spécifiquement les engrais foliaires azotés, la majorité sont préconisés à des doses plus élevées, allant de 20 à 100 l/ha, ce qui correspond à des apports de 6 à 20 kg N/ha. Il faut noter que certaines formes d’azote foliaires, appliquées à forte dose, peuvent provoquer des brûlures et altérer la surface des feuilles qui participent le plus activement à la photosynthèse. C’est le cas notamment de l’azote sous forme nitrique mais également de l’urée pour des applications à raison de 40 kg N/ha. De ce fait, les préconisations d’emploi ne dépassent pas 20 kg N/ha à chaque apport pour les engrais foliaires azotés.

Si de telles quantités contribuent de manière significative à l’alimentation en azote des cultures, elles restent néanmoins insuffisantes comparées aux doses d’azote apportées fin montaison avec des engrais azotés classiques. Pour l’azote, ce mode d’apport ne peut s’envisager qu’en complément et plusieurs applications foliaires seraient nécessaires pour se substituer à une application d’engrais au sol.

Ramenés à l’unité d’élément fertilisant (de 2,5 à 14 € le kilo d’azote par exemple), ces produits sont bien moins avantageux que des engrais classiques.

En ce qui concerne le phosphore et le potassium, un apport au tallage est, dans la majorité des cas, trop tardif. En effet, les carences en PK s’expriment avant le stade « 3 feuilles » des céréales à paille. Une réponse des apports de phosphore en sortie d’hiver sur le rendement peut néanmoins être observée dans des situations très carencées mais avec des doses plus conséquentes (de l’ordre de 30 à 60 kg P2O5/ha) et demeurera plus faible que dans le cas d’un apport au semis.

Dans le cas des oligo-éléments, les besoins des cultures sont beaucoup plus faibles : de quelques centaines de grammes par hectare à quelques kilos tout au plus. Les quantités apportées par les engrais foliaires aux doses préconisées, de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de grammes par hectare, s’apparentent davantage aux doses préconisées en situation de carence que pour les éléments majeurs. Dans le cas du manganèse, les apports foliaires sont d’ailleurs la seule solution possible pour corriger une carence. Toutefois, leur application n’a d’intérêt qu’en cas de carence observée sur la parcelle. En l’absence de symptômes, l’apport n’est pas nécessaire.

Si le coût de quelques dizaines d’euro à l’hectare de ces engrais foliaires peut paraître attractif dans le contexte actuel où le prix de l’azote - mais aussi du phosphore et du potassium - atteint des valeurs inédites, il est important de le considérer au regard des quantités d’éléments fertilisants apportées. Ramenés à l’unité d’élément fertilisant (de 2,5 à 14 € le kilo d’azote par exemple), ces produits sont bien moins avantageux que des engrais classiques.

Les éléments apportés par voie foliaire sont-ils mieux valorisés que les apports d’engrais solides ?

En second lieu, vient la question de l’efficacité : les éléments apportés par voie foliaire sont-ils mieux valorisés par les cultures que des apports d’engrais solides ?

Les producteurs d’engrais foliaires mettent très souvent en avant une meilleure efficacité d’utilisation des éléments nutritifs qu’avec les engrais solides classiques, notamment en conditions sèches. Il est vrai que les engrais appliqués sur le sol requièrent un minimum d’eau pour leur dissolution puis pour le transfert des éléments qu’ils contiennent jusqu’aux racines et leur transport dans la plante. Par temps sec, ces engrais peuvent donc s’avérer peu efficaces, notamment si la sécheresse perdure. L’emploi d’engrais appliqués en pulvérisation foliaire pourrait constituer alors un recours possible.

Cependant, quand bien même l’efficacité d’utilisation des éléments qu’ils contiennent par les plantes avoisinerait 100 %, les quantités d’éléments absorbés aux doses préconisées resteraient faibles voire très faibles.

De plus, l’absorption foliaire de nutriments est conditionnée par certaines contraintes. L’engrais foliaire doit d’abord être intercepté par la végétation. A des stades précoces, sur un couvert végétal peu développé, l’interception est très faible. Elle est de l’ordre de 30 % au stade 2 nœuds et atteint 60 à 80 % à l’épiaison. La fraction d’engrais non interceptée par les feuilles, quant à elle, pourra être absorbée par voie racinaire à la manière des engrais appliqués au sol, sous réserve d’humidité suffisante.

Ensuite, les éléments interceptés à la surface des feuilles doivent traverser la cuticule. Pour que cela se produise, une hygrométrie importante est nécessaire. Par temps sec, seule une fraction très faible des éléments appliqués par voie foliaire peut pénétrer à l’intérieur des feuilles.
Ainsi, si le manque de pluie pénalise l’absorption des nutriments apportés par les engrais au sol, il pénalise aussi souvent l’assimilation des nutriments apportés par voie foliaire.

Des résultats d’essais à l’appui

Engrais foliaires phosphatés en sortie d’hiver : pas de gain de rendement

Deux engrais phosphatés à absorption foliaire ont été évalués en 2013 par ARVALIS aux doses recommandées par les firmes : le YaraVita Magphos K de Yara à 4 l/ha (soit 1,76 kg P2O5/ha) dans deux essais, à Montans et à Salvagnac dans le Tarn, et le Trafos Mg-Mn de Tradecorp à 4 l/ha (soit 1,68 kg P2O5/ha) dans un essai à Saint-Hilaire-en-Woëvre (55).

Aucune différence significative n’a été observée dans ces trois expérimentations sur blé tendre entre le témoin non fertilisé en phosphore et les modalités avec apport foliaire au printemps (figure 1). Seul l’essai de Montans a mis en évidence une réponse positive à l’apport de superphosphate au printemps (+3 q/ha pour un apport de 30 kg P2O5/ha). Mais la modalité avec apport foliaire de phosphore sur ce site n’a pas permis de gain de rendement, très probablement du fait des faibles doses apportées.

Figure 1 : Résultats de 3 essais ARVALIS 2013 ayant testé des engrais foliaires phosphatés
Résultats de 3 essais ARVALIS 2013 ayant testé des engrais foliaires phosphatés

P0 : témoin sans apport de phosphore
P30 et P60 : apport de respectivement 30 et 60 kg de P2O5/ha sous forme de superphosphate
PC : produit commercial à absorption foliaire
Site de Montans (81) : Boulbènes profondes, 49 mg P2O5/kg, Olsen
Site de Salvagnac (81) : argilocalcaires profonds, 26 mg P2O5/kg, Olsen
Site et Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) : limon argileux profond, 84 mg P2O5/kg, Olsen

Engrais azotés foliaires en fin de montaison : perte de 0,4 % de protéines

Treize autres essais, réalisés par ARVALIS de 2001 à 2014 sur blé tendre, ont permis d’évaluer l’efficacité de dix produits à base d’azote dédiés aux pulvérisations tardives sur le feuillage (tableau 1).

À quantité totale d’azote identique, ces produits, appliqués en fin de montaison selon les prescriptions commerciales, ont été aussi efficaces pour la production de grain que l’ammonitrate (+0,5 q/ha en faveur des engrais foliaires, non significatif). En revanche, leur emploi a globalement engendré des teneurs en protéines inférieures, de 0,5 % en moyenne à celles permises par l’ammonitrate, dont 40 kg N/ha ont été appliqués au stade « dernière feuille » du blé (figure 2).

Figure 2 : Synthèse de résultats de 13 essais ARVALIS 2001-2014 ayant testé des engrais azotés foliaires
Synthèse de résultats de 13 essais ARVALIS 2001-2014 ayant testé des engrais azotés foliaires

Engrais foliaires appliqués fin montaison (dernière feuille étalée) selon les préconisations des fabricants à raison de 2,5 à 20 kg N /ha suite à deux apports d’ammonitrate courant tallage et épi à 1 cm (dose totale d’ammonitrate : X-40 complété par de l’azote appliqué par voie foliaire).
Comparaison aux rendements et taux de protéines théoriques obtenus pour la même dose totale d’azote distribuée sous forme d’ammonitrate en trois apports : courant tallage, épi à 1 cm et fin de montaison. Les valeurs théoriques pour la modalité de référence d’ammonitrate ont été déterminées à partir des courbes de réponse à la dose d’azote.
Test statistique en comparaison avec la référence ammonitrate
*** différence significative à 1 %***, 5 %** et 10 %*, NS : différence non significative

A retenir !

Les apports d’éléments nutritifs par les engrais foliaires sont difficilement comparables aux apports au sol car bien souvent les quantités en jeu sont beaucoup plus faibles et, dans certains cas, insignifiantes au regard des besoins des cultures.
A dose d’azote équivalente, les engrais foliaires azotés ne sont pas mieux valorisés que l’ammonitrate : 1 kg N/ha apporté par ces produits équivaut à 1 kg N/ha apporté par l’ammonitrate. Contrairement aux idées reçues, ils n’apportent donc pas une efficacité supérieure par rapport à l’ammonitrate. L’obligation de restreindre l’apport de ces produits à de faibles quantités d’azote, pour éviter les brûlures des feuilles et en raison de leur coût à l’unité fertilisante, en limite fortement l’intérêt. Aussi, pour maximiser l’efficacité du dernier apport d’azote sur céréales, il est préférable d’utiliser un engrais solide.

1 commentaire

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  • Bonjour
    Tous les ans vous nous resservez à la même époque vos vieux essais en applications foliaires.
    Tous les ans je persévère dans l'utilisation de l'un d'entre eux.( depuis 2007)
    Je réalise des essais à mon petit niveau depuis cette époque
    Tous les ans mes résultats sont largement supérieurs aux moyennes de groupe.
    Rendements blé et colza aux rendez-vous. Diminution des reliquats azotés. performances économiques et environnementales .
    Je ne comprends pas que vous restiez sur votre discours qui date de près de 10 ans...
    Ma ferme est ouverte à vos ingénieurs si cela vous tente.
    Cordialement.

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