Résultats d’essais

Blé dur : les conditions favorables à l’apparition de la moucheture et quelles conséquences pour la commercialisation

Le taux de moucheture de la récolte française de blé dur ne correspond pas toujours aux demandes des acheteurs. Limiter ce taux constitue donc un enjeu commercial fort. ARVALIS, avec le soutien de France Export Céréales, a entrepris un travail en 2010 pour hiérarchiser les facteurs influençant la moucheture. Des données d’essais complémentaires en 2011 et 2012 complètent les travaux et donnent une première hiérarchie des facteurs influençant la moucheture et une première version d’un modèle de prévision du risque moucheture.

Limiter le taux de moucheture sur blé dur

La moucheture du blé dur est une coloration noire observée sur le sillon du grain après récolte. A ne pas confondre avec la coloration du germe qui apparait à la base du grain. Cette coloration noire résulte de l’accumulation de composés phénoliques. Deuxième exportateur mondial derrière le Canada, la France vend deux tonnes sur trois en dehors de ses frontières, dont 40 % dans les pays du Maghreb. L’absence de moucheture est un critère de qualité particulièrement important pour les utilisateurs du blé dur et surtout dans ces pays où la semoule est encore beaucoup travaillée manuellement et donc appréciée visuellement. La présence de taches sombres sur les grains déprécie fortement la valeur marchande du grain

Grains mouchetés

Photo 1 : « Sont considérés comme grains mouchetés, les grains présentant sur le sillon des colorations situées entre le brun et le noir brunâtre ».

Comment ça marche ?

La moucheture est un phénomène qui dépend de plusieurs facteurs : la durée de pluie pendant le remplissage du grain est un des facteurs prépondérants, l’effet variétal a également été identifié ainsi que la température moyenne post-épiaison. Enfin, plus récemment, la présence de champignons du genre Microdochium sur les épis pourrait entraîner une augmentation du taux de moucheture. Par contre, les effets de la présence de thrips, d’Alternaria ainsi que de la fertilisation azotée (absorption post-floraison) qui sont cités dans la bibliographie n’ont pas pu être confirmés dans nos études récentes.

Les références expérimentales ARVALIS

Les données analysées sont les données expérimentales (notamment essais variétés) d’ARVALIS et les données des enquêtes variétales au champ conduites annuellement par FranceAgriMer et ARVALIS. Les résultats des analyses réalisées en 2010 montrent que trois facteurs sont nettement impliqués : la quantité de pluie cumulée, les températures et la sensibilité variétale.

Effet du climat et sensibilité variétale

Plus le cumul des pluies entre les stades floraison et fin remplissage du grain est important, plus le taux de moucheture est élevé (Figure 1).

Plus le cumul de pluie est élevé, plus le taux de moucheture est élevé

Figure 1 : Plus le cumul de pluie est élevé, plus le taux de moucheture est élevé, avec une amplitude de 2 % à 15 %.

De plus, des températures moyennes entre 17 à 19°C observées sur la même période favorisent le développement du phénomène (Figure 2), tandis qu’au-delà, le taux de moucheture est plus limité. Enfin, les variétés les plus touchées par la moucheture sont celles dont les notes de tolérance sont inférieures à 6-6,5 (Figure 3).

Le taux de moucheture est maximal pour une température de l’ordre de 17-19°C

Figure 2 : Le taux de moucheture est maximal pour une température de l’ordre de 17-19°C. Il baisse fortement avec des températures plus élevées.

La variété est actuellement le seul moyen de lutte contre la moucheture

Figure 3 : La variété est actuellement le seul moyen de lutte contre la moucheture. L’impact de la tolérance variétale est confirmé avec un effet marqué sur la moucheture allant de 2 à 14 % entre les extrêmes, variétés sensibles (<5) et tolérantes (8 à 8,5).

Ces facteurs climatiques et génétiques évoquent un lien possible avec une ou plusieurs maladies fongiques. Ainsi, sur des échantillons des récoltes 2007 à 2009, les taux élevés de moucheture sont souvent, mais pas toujours, associés à une forte présence de Microdochium spp. sur les grains. Au Canada, ce sont d’autres champignons (Alternaria spp., Cochliobolus sativus) qui sont identifiés comme principaux responsables de la moucheture. L’étude de la flore fongique dans le réseau d’essais fongicides du comité technique blé dur région Centre réalisé depuis 2010 montre un lien entre la présence de Microdochium spp. et le taux de moucheture. Ces essais montrent également que l’application à floraison de fongicides efficaces sur Microdochium spp. diminue le taux de moucheture de façon significative (figure 4).

Essai protection fongicide sur maladies d’épis

Figure 4 : Essai protection fongicide sur maladies d’épis – Ouzouer le marché 2012 – Contamination Microdochium majus – Brumisation – Variété Sculptur.

D’autres facteurs augmentent parfois le taux de grains mouchetés, comme l’irrigation, la précocité de semis ou une fertilisation azotée élevée. Le suivi des couples irrigué/non irrigué dans des essais spécifiques a montré que le taux de moucheture des parcelles irriguées est en moyenne de 2 points supérieures à celui des parcelles non irriguées et peut être beaucoup plus élevé sur des variétés sensibles. L’effet de la précocité de semis n’a pas pu être mis en évidence avec les données d’essais ARVALIS. Toutefois, la relation n’est pas systématique. En accroissant la masse de végétation et l’ambiance humide du couvert, ces facteurs indirects exposent d’avantage la culture aux attaques fongiques et au maintien d’un climat humide. Plus le risque climatique est élevé, plus ils doivent être maîtrisés. Les thrips sont également identifiés comme cause possible de la moucheture via leurs piqûres sur grains. Mais ils ne le sont probablement qu’à titre marginal dans les conditions françaises.

Les préconisations d'ARVALIS

  • Dans les zones à risque moucheture (humidité en fin de cycle), ARVALIS préconise de cultiver des variétés peu sensibles à la moucheture (figure 5). Des analyses qualité sur les essais variétés blé dur sont réalisées chaque année et le classement variétal est réédité à partir de ces données chaque année dans Choisir et Décider .
  • Afin de limiter le taux de moucheture les années humides en fin de cycle, le traitement fongicide à floraison doit être réalisé avec des matières actives dont l’action est également efficace sur Microdochium spp.
  • Les travaux sont en cours pour réaliser un modèle de prévision du risque moucheture. L’application d’un modèle de prévision peut se faire au travers d’une cartographie. Réalisée sur plusieurs années, elle affichera en fonction du terroir un risque fréquentiel qu’on cherchera à limiter sur les zones à risque élevé en leur destinant un conseil adapté sur le choix variétal et la conduite de culture. Les régions de production disposeront ainsi d’un moyen de réduction du niveau de moucheture et sécuriseront leurs débouchés. De plus, cela facilitera la commercialisation de l’ensemble de la production en permettant l’abaissement du taux de moucheture national, élément important de l’image internationale de la qualité du blé dur français. Un tel outil permettra aussi de localiser une production pour un marché à exigence élevée en matière de moucheture.
Sources documentaires

• Braun Philippe, Leygue Jean-Philippe, Vallade Sophie, De La Panouse Geoffroy « Le climat et la variété paramètrent le taux de moucheture » - Perspectives Agricoles N°388 - avril 2012.

• Vallade Sophie (ARVALIS) « Moucheture : état des connaissances et gestion du risque » - Journée Filière Blé Dur - Marseille 20 Janvier 2011.

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