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Les Essentiels d'ARVALIS - Verse physiologique : comment estimer le risque sur céréales à paille ?

Le risque de verse est déterminé principalement par quatre critères : la sensibilité de la variété, la densité de tige, le niveau de nutrition azotée en début de cycle et les conditions météorologiques à la montaison (entre le stade épi 1 cm et le stade 1-2 nœuds). En cours de campagne, avant toute intervention chimique, des outils permettent d’estimer ce risque afin de raisonner les applications de régulateurs.

Estimer le risque de verse pour utiliser un régulateur de croissance

Hormis les pertes de rendement qui, dans les situations extrêmes, peuvent atteindre 30 q/ha en cas de verse précoce, la verse pénalise la qualité des grains et augmente la difficulté de récolte. Les épis des plantes versées sont proches du sol et d'un couvert non aéré, ce qui augmente l'humidité autour des grains. Le temps de chute de Hagberg, le poids spécifique et le taux de protéines peuvent en être impactés. En outre, le risque de germination sur pied est plus fort.
On distingue deux types de verse : la verse parasitaire qui est la conséquence d’attaques de piétin-verse, de rhizoctone ou de fusarioses de la tige et la verse physiologique.
C'est cette dernière qui nous intéresse ici. Elle est le plus souvent imputée à des phénomènes climatiques exceptionnels (pluies orageuses ou battantes, vents violents). Ces facteurs dits d’expression du phénomène sont en fait révélateurs d’une culture fragilisée par des conditions de végétation particulières et/ou une conduite inadaptée. La prédisposition à la verse s’acquiert bien plus tôt au cours du cycle de la plante en fonction de la génétique, de techniques culturales et de certaines conditions climatiques favorisant l’étiolement des plantes. Quels sont ces facteurs de prédisposition ou d’induction, comment les prendre en compte et raisonner l’utilisation des régulateurs ?

Comment ça marche ?
Toutes les céréales sont sensibles à la verse avec toutefois une certaine prédisposition pour l’orge et le blé dur. Différents paramètres génétiques et variétaux interviennent. Dans le cas du blé dur, cette culture est plus sensible à la verse radiculaire, car ses racines adventives (racine de tallage) sont orientées de manière verticale. Elles sont donc moins efficaces, en termes d’ancrage, que des racines orientées horizontalement.
La verse des tiges se produit lorsque les premiers entre-nœuds ne peuvent résister au mouvement de balancier de la tige ; il s’agit donc d’un équilibre entre une résistance mécanique de la tige et une force appliquée sur celle-ci (pluie, vent, poids de l’épi).
La résistance de la tige s’acquiert au moment même de sa constitution, c’est-à-dire entre les stades épi 1 cm et 2 nœuds environ. Elle va être conditionnée à la fois par l’allongement des entre-nœuds du bas de tige et par la composition de la paroi de la tige (rapport C/N).
L’allongement des entre-nœuds dépend d’un déterminisme multiple : variété (tendance plus ou moins marquée à avoir un allongement rapide de la tige, aptitude au tallage), conduite de culture (densité de semis, fertilisation azotée, qui conditionnent la densité de végétation et donc l’étiolement des tiges en concurrence pour la lumière), conditions climatiques (température, rayonnement, pluviométrie) et type de sol (qui influence notamment le tallage hivernal et la disponibilité en azote).
Le raisonnement de la lutte contre la verse doit donc, dans la mesure du possible, prendre en compte l’ensemble de ces paramètres.
Les régulateurs de croissance agissent sur l’élongation des cellules de la tige, pour aboutir à des entre-nœuds plus courts ou à des parois plus épaisses et donc à des tiges plus solides.
Les références expérimentales ARVALIS
Des facteurs génétique et variétal prédisposent la verse
Si le blé dur et l’orge d’hiver sont plus sensibles à la verse physiologique que le blé tendre, il existe également des différences entre variétés au sein d’une même espèce. Le choix variétal constitue l’un des moyens les plus efficaces pour se prémunir de la verse. Les variétés récentes de blé actuellement cultivées sont plus résistantes face à ce risque. Ainsi un traitement ne sera pas nécessaire pour des variétés de blé tendre avec une note de verse d'au moins 6,5 (figure 1). A l'inverse, il devra être envisagé si cette même note est de 5 au plus.

 
Figure 1 : Synthèse du niveau de verse observé dans des essais en blé tendre non régulés en fonction de la cotation de résistance variétale à la verse - Source : environ 100 essais ARVALIS.
Le nombre de points par cotation est indiqué entre parenthèses. Les points situés au-dessus du maximum correspondent à de la verse liée à des facteurs autres que physiologique : ravageurs, piétin-verse...


Concernant l'orge, actuellement, il n'existe aucune variété totalement résistante. Cependant, celles avec une note de verse au-dessus de 6 sont assez résistantes.
Pour orienter son choix, il est recommandé de consulter la note de sensibilité de ses variétés, remise à jour chaque année, en allant sur les fiches variétés. Cette sensibilité variétale est définie dès l’inscription de la variété par l’obtenteur, confirmée par le GEVES et par le réseau d’expérimentation d’ARVALIS - Institut du végétal.
Si le choix d’une variété peu sensible reste judicieux pour limiter le risque de verse, la conduite doit être également menée rigoureusement.

Impact de la gestion de la fertilisation azotée
Le risque de verse s’accroît en situations d’excédent azoté (fournitures du sol et doses d’engrais). Outre l’adoption du bilan azoté pour raisonner la dose globale d’azote à apporter, de nombreuses expérimentations mettent en évidence l’impact de la date des apports d’azote et leur répartition au cours du cycle de la culture. Un premier apport d’azote excédentaire favorise le tallage et par conséquent un étiolement des tiges, en accentuant le déséquilibre C/N des tiges et ce d’autant plus que le couvert est en excès de densité. Il est conseillé de minimiser le premier apport d’azote. Par ailleurs, les techniques de fractionnement de l’azote limitent le risque de verse.
 Courbe de réponse à l’azote en 2 et 3 apports et impact sur la note de verse
Figure 2 : Courbe de réponse à l’azote en 2 et 3 apports et impact sur la note de verse (Essai ITCF / CA37) sur blé

Impact de la date et densité de semis
La densité de semis par son effet direct sur le peuplement en tiges à la fin du tallage est un facteur de risque de verse. Une densité élevée engendre une augmentation de l’étiolement (compétition du couvert pour le rayonnement intercepté) et une augmentation de la longueur des premiers entre-nœuds. La sensibilité à la verse des variétés dépend aussi de la densité de semis comme l’illustre les essais couplant densités et variétés. Certaines variétés modifient peu leur bon comportement à la verse avec l’augmentation de la densité de semis. A contrario, d’autres sur expriment leur sensibilité à la verse avec l’augmentation de la densité.
 Impact de la densité de semis de variétés de blé tendre sur le risque de verse
Figure 3 : Impact de la densité de semis de variétés de blé tendre sur le risque de verse – Illustration avec l’essai Vraux (51) – semis 12/10/2006 – modalités densité de semis couplées à des variétés.

En complément, chaque variété se caractérise par un niveau optimal de densité d’épis qu’il convient de rechercher. Des expérimentations conduites à partir du milieu des années 1990 dans des sols de limons profonds sous climat favorisant la verse ont permis également de mettre en relation la note de verse par rapport à l’optimum requis par la variété.

Les semis précoces influencent également le risque de verse. En précocifiant le stade épi 1 cm, la montaison peut se faire en jours dits « courts ». Les tiges auront tendance à s’étioler du fait de faibles rayonnements. Par ailleurs, montaison précoce est fréquemment associée à des températures plus basses (moindre dominance apicale, donc davantage de maintien de nombreuses talles). Ces semis peuvent être également favorables au tallage excessif des cultures. Au final, compétition et exubérance des tiges peuvent provoquer un allongement excessif des entre nœuds et un risque de verse accru.

L’adaptation de la densité de semis à la date de semis et au type de sol permet de s’affranchir des peuplements excessifs en sortie d’hiver.

A la reprise de végétation, les conditions climatiques entre les stades épi 1 cm et 1-2 noeuds sont également très importantes dans l’établissement du risque de verse. Lorsque les températures sont élevées, des changements physiologiques se produisent dans les plantes, induisant une moindre élongation des tiges ainsi qu’une régression des plus jeunes talles. Un important rayonnement lors de la montaison réduit l’étiolement des tiges en limitant la concurrence précoce pour la lumière : chaque tige ayant accès à une quantité suffisante de lumière, l’allongement excessif des premiers entre-nœuds est évité. A contrario, des précipitations autour du stade épi 1 cm conditionnent la valorisation des apports d’engrais minéraux, et donc la richesse en azote des tissus constituant la tige.

Des facteurs de prédisposition hiérarchisés pour aboutir à une grille de diagnostic du risque de verse
Pour évaluer le risque de verse, il est possible de s’appuyer sur les grilles présentées ci-dessous qui permettent de qualifier le risque et de prendre la décision d’intervenir avec un régulateur de croissance. En cas de printemps à risque élevé (faible rayonnement et fort cumul de pluies), il faut passer à la classe de risque supérieur. A l’inverse, un printemps sec et doux avec un rayonnement correct diminue la classe de risque.
 
Tableau 1 : grille d'évaluation du risque verse sur blé tendre
 
Tableau 2 : grille d'évaluation du risque verse sur blé dur
 
Tableau 3 : grille d'évaluation du risque verse sur orge d'hiver

L’utilisation de régulateurs se raisonne en fonction du risque de verse. Selon le risque estimé, l’application d’un ou plusieurs régulateurs sera nécessaire. Une impasse est envisageable si les trois conditions suivantes sont réunies : semis clairs, variété résistante et maîtrise de la nutrition azotée.

Les effets de la verse sur le rendement
Des expérimentations menées sur plusieurs années permettent de chiffrer les conséquences de la verse en fonction du moment où elle intervient au cours du remplissage du grain. Les pertes ont été évaluées à partir d’essais mettant en jeu des variétés de sensibilité variable, en faisant varier les densités de semis sans application de régulateur dans des sols de limons. Un élargissement de ces résultats a été effectué par modélisation de la cinétique d’accumulation de la matière sèche des grains en fonction de la température cumulée depuis l’épiaison (Gate P., 1995). Les pertes de rendement dépendent pour beaucoup de la précocité de la verse au cours du remplissage et de son intensité.

Risque de verse mesuré par satellite
Des modèles fiables permettent d’estimer le risque de verse, en se dispensant d’observations sur le terrain. Ces modèles sont aujourd’hui appliqués sur des milliers d’hectares dans le cadre de l’outil Farmstar. Les évaluations de la densité de tiges sont effectuées à distance par des satellites, via des modèles de réflectance du couvert végétal (mesure de l’Indice foliaire = LAI, représentatif de l’état du feuillage car très corrélé avec la biomasse) et de prédiction des stades. La longueur des entre-nœuds est quant à elle estimée en considérant les effets journaliers des conditions climatiques (température, pluie et rayonnement de la station météorologique la plus proche), compte tenu de la variété et de la densité de tiges estimée. Cette approche nécessite bien entendu un minimum d’informations sur les parcelles : variété semée, type de sol, date et densité de semis, et données météorologiques journalières représentatives. Le risque de verse est évalué au niveau intra-parcellaire. Face à ce risque, une préconisation adaptée est fournie.
Les préconisations d'ARVALIS
• La prédisposition à la verse s’acquiert tôt au cours du cycle de la plante dès le début de la montaison en fonction de la variété choisie, des techniques culturales et des conditions climatiques. La lutte contre la verse débute ainsi avant le semis par le choix d’une variété pas trop sensible à ce phénomène. Vous pouvez vous aider de la note de sensibilité des variétés qui est remise à jour chaque année en allant sur les fiches variétés. Au moment de l’implantation, bien adapter la densité à la date de semis et au type de sol : pour cela vous pouvez également vous reporter aux préconisations régionales.

• L’utilisation d’un régulateur sur blé n’est pas systématique. En sortie d’hiver, l’utilisation de la grille de risque vous donnera a priori l’indice de sensibilité à la verse de vos parcelles et il faudra surveiller les conditions climatiques entre les stades épi 1 cm et 1-2 nœuds. Si le rayonnement est important et que les précipitations sont faibles, le risque de verse en sera d’autant amoindrit.
Sources documentaires 
- Lafon C., Vincent-Caboud L. "Enjeux et facteurs de risque de la verse physiologique : un phénomène beaucoup mieux maîtrisé" - Perspectives Agricoles N°486 - mars 2021.
- Gate P. « Les régulateurs sont-ils un passage obligé ? » - Perspectives Agricoles N°342 - février 2008.
- Bonin L., Citron G., Prévot JP. « Régulateurs de céréales d’hiver : d’abord estimer le risque de verse » - Perspectives Agricoles N°320 - février 2006.
- Citron G., Henriot F. « Régulateurs de croissance : quels effets physiologiques en absence de verse ? » - Perspectives Agricoles N°287 - février 2003.
- Gate P., Crosson P., Lehe D. « Peut-on déterminer et prévoir le risque de verse ? » - Perspectives Agricoles N°209 - janvier 1996.
- Dépliant Céréales à paille : protection des semences, lutte contre les ravageurs et la verse.

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